C’est une question légitime. Beaucoup pense que si nous travaillons 39 heures (45 heures, 20 heures), nous sommes “productifs” pendant ces 39 heures (45 heures, 20 heures).
C’est un total contre-sens de ce qu’est un être humain. Nous sommes avant tout des animaux sociaux, comme la majorité des mammifères. Nous faisons ce qui nourrit nos besoins primaires, certes. Puis très vite, nous agissons en fonction des autres (de ce que nous pensons ou de ce qu’ils pensent de nous, ou de ce que nous croyons qu’ils pensent de nous), afin de se sentir plus efficace, plus intégré, plus cohérent ; pour cela, nous avons besoin de vivre et de comprendre nos interactions avec les autres ; et la plupart du temps, nous le faisons instinctivement, dans des comportements grégaires, où l’on ne sollicite pas notre intelligence.
Nous sommes également des machines à absorber de l’information. Les outils récents (radio, télévision, internet, smartphone, réseaux sociaux) exploitent notre cerveau pour nous abreuver d’information et nous retenir. Nous passons en état “théta” (1), comme disent les neuro-scientifiques : comme hypnotisés, incapables de faire autre chose que de continuer (à regarder la télé, le smartphone, les vidéos de tel canal, etc). C’est un état très satisfaisant, nous nous y sentons bien, relaxés. Pour apprendre une langue, retenir des dates ou des chiffres, se concentrer sur une tâche importante (2), c’est absolument efficace pour vous, à titre personnel, et très valorisant. Pour perdre du temps (à regarder des vidéos rigolotes de chats) et ingérer de la publicité, c’est diablement efficace aussi, mais pour l’autre (celui qui veut vous capter, pour vous manipuler, vous vendre quelque chose, vous faire travailler à son profit).
Alors pour être productif, il faut un temps nécessaire (parce que nous en avons besoin) où l’on écoute le monde qui nous entoure : les réunions de travail, l’instant détente avec les amis et la famille, la radio, la télévision, internet ; mais aussi l’instant avec soi-même pour réfléchir à soi et ses envies et ses besoins. C’est le temps pour penser, imaginer, rêver, réfléchir, se détendre, profiter.
Et il y a le temps où l’on agit (soi-même, ou en équipe), complètement concentré sur la tâche en cours, puis une autre, puis une autre, une à la fois car le multi tasking est un mythe à la dent dure (3).
Répondez maintenant et honnêtement à la question posée, et calculez le nombre d’heures par jour où vous êtes totalement “focus”, concentré, sur une tâche (et fier de ce que vous avez réussi à accomplir).
Je serai étonné si vous dépassez 30% de votre temps utile (au travail, à la maison, etc).
En agilocratie, un des principes est : « réfléchir ou agir ». Gardons le temps nécessaire à la réflexion, pour être d’autant plus efficient quand nous agissons.
Et permettez moi, pour finir, ce petit conseil : le matin, au réveil, consacrez votre première heure à vous, complètement déconnecté du monde ; déconnecté de votre conjoint ou de votre famille (levez vous une heure plus tôt si nécessaire pour ce faire) ; déconnecté de la radio, de la télévision, d’internet (n’ouvrez pas votre smartphone ou votre ordinateur) ; et concentrez vous sur vous, sur ce que vous ressentez, sur ce que vous voulez faire aujourd’hui ; occupez vous de vous (yoga, douche, ou toute autre routine qui vous ressource) puis définissez vos tâches prioritaires de la journée (3 personnelles, 3 professionnelles) comme autant de rendez vous dans votre agenda, avant que d’autres se chargent de le remplir de leurs attentes. Puis, ouvrez vous au monde.
(1) https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/le-cerveau-dans-tous-ses-etats_107838
(2) état de “flow” du psychologue Mihály Csíkszentmihályi
(3) on devrait utiliser le mot “task switching”, saut d’une tâche à l’autre, fut-ce rapidement, en quasi instantané
