Combien pèse un verre d’eau ? Peut-être 500 grammes, en tenant compte de l’eau et du poids du verre lui-même. Pas grand chose, donc.
Tenez le à bout de bras, bras tendu.
Au bout de quelques minutes peut-être, selon la force de chacun, les muscles du bras commencent à être un peu douloureux. Au bout d’une heure ou deux heures, votre bras se tétanise : la douleur est tellement intense qu’on a du mal à bouger. Et encore quelques heures, et là, non seulement vous devez lâcher le verre, et laisser tomber le bras, mais la douleur reste vivace, et même assez durablement.
J’ai pris un verre d’eau, mais le poids absolu n’a pas d’importance. Une balle de golf, un livre, un verre d’eau, peu importe : cela dépend plutôt du temps pendant lequel je tiens ce verre, cette balle, ce livre, à bout de bras. Une minute, pas de problème. Une heure, une douleur s’installe au bras. Une matinée entière, mon bras s’engourdit, se paralyse. Plus je le tiens longtemps, plus il parait lourd, plus j’ai mal, plus je tétanise.
Le stress, c’est pareil.
Un petit incident de vie personnelle (il manque du beurre dans le frigo, ou une petite flaque d’eau au sol dans la cuisine qui vient d’être lavée, ou une remarque désobligeante d’un ami, un sarcasme d’un conjoint, une panne internet alors que je voulais regarder mon feuilleton favori, l’autoroute en travaux et il faut rouler à 70 km/h au lieu de 130, etc etc). Ou un problème à votre travail (untel ne m’a pas rendu ce qu’il m’avait promis ; je n’ai aucune reconnaissance de ma hiérarchie sur le projet que j’ai pourtant mené à “bout de bras”… et à terme ; ce collègue a fait croire au patron qu’il avait tout fait, en me volant mon travail ; etc etc).
Un rien du tout, en fait.
Mais on y pense, quelques minutes. Rien ne se passe. Puis quelques heures, et cela commence à faire mal, mentalement. Quelques jours, on ressasse, encore et encore. Et cela devient de plus en douloureux, même physiquement douloureux, et même addictif : on se complaît dans sa douleur, tout en se sentant paralysé, figé dans le souvenir du… “rien du tout”.
Nous sommes responsables de nos propres douleurs ; respons-able, comme capable d’apporter une réponse.

Alors, stop au syndrome de Calimero.
Déposez vos verres le plus rapidement et le plus régulièrement possible. Ce n’est pas toujours facile, mais nous avons tous le pouvoir de choisir la façon de faire face à chaque situation : l’accepter, comme un incident naturel de vie, et pas bien grave au final ; prendre du recul (ou de la hauteur) pour relativiser le “rien du tout” ; accepter que tout ne doit pas obligatoirement tourner selon mes choix personnels ; contourner la difficulté et trouver une nouvelle piste ; abandonner une relation asymétrique dans laquelle je suis – je me sens – sous-estimé…
Je n’ai pas écrit “oublier l’incident” ou l’accident de vie : c’est un déni de réalité. Je n’ai pas non plus écrit “s’oublier soi-même” (refuser de ressentir la douleur, la peine, l’ennui, …) : là aussi, c’est un déni de réalité (un ressenti est un fait, certes subjectif, mais un fait quand même). Faites la part des choses, prenez une décision d’agir, et agissez, pour vous faire avancer et (re)gagner votre estime de vous, ici et maintenant.
